Sur écoute



Pourquoi avoir fait ce film?

Je suis convaincue que de plus en plus d’entreprises sont conscientes de la nécessité d’un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes à tous les niveaux de la hiérarchie. Je voulais prendre l’exemple d’un dirigeant pour qui c’est une évidence que son entreprise intègre la mixité du genre. En effet, pour lui c’est naturel que les femmes aient des postes à responsabilité puisque sa femme travaille et que sa fille s’est lancée dans des hautes études. En revanche, il se rend compte petit à petit de l’écart qu’il y a entre les réalités du terrain et la volonté affichée de promouvoir les femmes dans son entreprise. Il se pose des questions et cherche les bonnes informations et les moyens pour que la mixité devienne une réalité. En conclusion, je voulais mettre l’accent sur l’importance d’impliquer la Direction à son plus haut niveau et de communiquer cette volonté à toute l’entreprise.

Constats

Prise de conscience

L’égalité des chances entre les hommes et les femmes trouve un large consensus dans l’opinion publique. Les questions de mixité du genre en entreprise émergent dans le débat public dès les années 1980. Le mouvement «Des paroles aux actes», lancé en suisse alémanique sous l’appellation «Taten statt Worten» est né en 1987 et a été soutenu par de nombreuses personnalités issues des milieux politiques et économiques. La loi sur l’égalité entre en vigueur en 1996. Les bureaux de l’égalité se sont développés depuis. Cette prise de conscience s’explique également par le poids de plus en plus important joué par le client dans une société de service. Comme plus de 50 % des consommateurs sont des consommatrices, les entreprises souhaitent former des managers femmes pour adapter leurs produits et services à cette clientèle.

Médias

Les médias sont des leviers importants pour promouvoir la cause des femmes. Toutefois, à travers leurs titres accrocheurs, la presse donne souvent l’image de femmes conquérantes et combattives. Sur la couverture des magazines, elles sont régulièrement comparées et mises en concurrence avec les hommes, ce qui n’est pas toujours favorable pour la mixité. Les médias renforcent aussi les stéréotypes à propos des femmes, en mettant en avant leur pouvoir de séduction. Ils contribuent ainsi à les enfermer dans leur rôle de femme-objet.

Balancier

La cause des femmes en entreprise suit un effet balancier. Par exemple, après la crise pétrolière de 1974, l’intérêt pour l’égalité diminue. Il revient sur le devant de la scène à la fin des années 1980, à un moment de forte croissance économique. Après la crise du début des années 1990, à nouveau, la promotion des femmes est remise en cause. Actuellement, elle revient au devant de la scène depuis la votation sur l’immigration de masse du 9 février 2014. Les milieux politiques et économiques voient dans l’emploi des femmes une solution pour éviter une pénurie de talents. L’intérêt pour les femmes en entreprise semble évoluer au gré des aléas avec la conjoncture économique.

Discours de façade

On entend souvent des managers parler haut et fort de leur intérêt pour la mixité dans leur organisation. Depuis les années 1980, les métiers dits «masculins» se féminisent de plus en plus. Ces évolutions pourraient laisser croire que la situation des femmes en entreprise s’est améliorée. Méfions-nous toutefois des prophéties auto-réalisatrices. Les beaux discours cachent souvent le conservatisme des mentalités et l’immobilisme des pratiques. La plupart des entreprises se contentent d’aménager le temps de travail des femmes, en se focalisant sur les enjeux de la maternité. Les changements nécessaires sont plus profonds. Tous les postes de l’entreprise sont concernés et le changement des mentalités et des pratiques nécessite l’implication de tous.

Causes

À priori

La cause majeure de cet immobilisme est le moule rigide dans lequel les femmes sont cantonnées par la société. Dans nos esprits, une femme souhaite avant tout avoir des enfants. De cet à priori découle la fausse croyance selon laquelle les femmes n’ont pas envie de faire carrière et d’entrer dans l’arène dure et sans pitié de l’économie. De plus, tous les efforts consentis pour aider les femmes à progresser dans leur vie professionnelles se focalisent autour de la maternité. Il ne suffit pourtant pas de créer des crèches d’entreprise et de flexibiliser le temps de travail pour augmenter la part de femmes cadres. L’objectif est de leur donner envie de faire carrière et de briser le plafond de verre.

Cloisons

Les cursus de formation sont encore très liés au genre. Quand elles commencent à se projeter dans un domaine professionnel, une grande majorité de filles optent pour des métiers dits «féminins». Elles restreignent leurs choix à quelques métiers liés aux soins, à l’enseignement ou à la gestion administrative par exemple. Alors que leurs homologues masculins choisissent dans un panel de métiers beaucoup plus large. En suivant ces filières, les jeunes filles se retrouvent cloisonnées et restreignent leurs possibilités de développer leur carrière.

Clichés

Une majorité de dirigeants s’accordent sur le besoin de plus de mixité dans notre économie. Ce discours progressiste cache cependant une série de clichés à propos de la posture des femmes en entreprise. Elles sont souvent considérées comme des dures à cuire, voire même des «tueuses». Certes, une femme qui réussit aujourd’hui a très souvent dû se battre deux fois plus qu’un homme. Cette endurance et cette combativité sont souvent instrumentalisées pour alimenter les rumeurs sur leur dureté. Un autre cliché fortement répandu est lié à leur bonne capacité à exprimer leurs émotions. Cette qualité se transforme là-aussi en défaut, puisqu’elles sont soupçonnées d’être des manipulatrices.

Non-dits

Malgré les efforts fournis depuis de nombreuses années, le nombre de femmes dirigeantes est encore faible. Cela fait dire à certains: «Pourquoi donc les encourager à progresser dans leur carrière si elles n’en ont pas vraiment envie?» Ce doute sur la réelle envie des femmes à diriger montre que la répartition des rôles traditionnels (l’homme pourvoyeur de fond, la femme protectrice du foyer) est encore profondément ancrée dans les mentalités. Les femmes devraient ne pas hésiter à afficher plus souvent leur ambition.

Incompréhension

Un autre obstacle à la cause des femmes en entreprise est la complexité des enjeux de la mixité. Thème à la mode, souvent à la «Une» des journaux, il nous donne l’impression d’être facile et simple à comprendre. Nous le réduisons à une question de salaire et de temps partiel. Comme nous le décrivons dans ce livre, les enjeux sont beaucoup plus complexes. Ils touchent aux fondements de notre société, aux représentations sociales, à l’histoire et à de nombreux tabous et non-dits. Les femmes elles-mêmes ne comprennent souvent pas les enjeux réels de la mixité. La prise de conscience et les dispositifs à mettre en place sont complexes et de longue durée.

Pistes

Top down

L’impulsion est plus forte si elle vient du haut. Former les dirigeants aux enjeux de la mixité permet d’éliminer les nombreux préjugés sur le sujet. Idéalement, cette formation devrait être approfondie, alternant des moments de réflexions et des mises en situation. Les formations sur la mixité inter entreprises permettent par exemple aux dirigeants d’échanger avec leurs collègues d’autres secteurs d’activité. La communication de la direction est aussi déterminante. Les objectifs à atteindre doivent être formulés par la direction générale de manière claire et authentique. Ils concernent l’ensemble du personnel.

État des lieux

Un diagnostic chiffré de la situation des femmes dans l’entreprise est un bon point de départ. Il s’agit d’obtenir une «photographie» de l’entreprise en termes de mixité. Quel est le pourcentage des femmes à tous les niveaux hiérarchiques? Dans quelles unités sont-elles les plus nombreuses? A quel moment et dans quelle tranche d’âge quittent-elles l’entreprise? Quels sont les cheminements internes empruntés par les femmes pour faire carrière? Quel est le taux de rotation des femmes à hauts potentiels? Ces indications chiffrées permettront de faire un bilan et de formuler des objectifs.

Objectifs

La fixation d’objectifs chiffrés n’implique pas forcément d’établir un système de quotas. Car cette pratique est à double tranchant. Elle donne souvent l’impression aux femmes d’être nommées non pour leurs compétences mais en raison de leur genre. L’objectif est de changer en profondeur la culture d’entreprise et non de masquer une réalité avec un chiffre global moyen. Par exemple, il ne suffit pas d’avoir 30% de femmes dans des positions d’encadrement pour garantir l’ascension des femmes aux postes à haute responsabilité. Encore faut-il que ces femmes se répartissent dans toutes les unités de l’entreprise et pas seulement dans les fonctions de support.

Premières mesures

Les premières mesures sont très importantes car elles vont donner de la crédibilité aux autres étapes du programme. Elles doivent aussi être mise en œuvre sans attendre pour que les premiers résultats soient visibles rapidement. La communication sur ces premières mesures doit être forte et les premières personnes qui ont bénéficié de ces mesures doivent être visibles. Il est peu crédible de chercher à mettre en œuvre une multitude de mesures en une seule fois, car celles-ci demandent un suivi régulier, des feedbacks et surtout de continuels ajustements.

Motivation des cadres

Les cadres doivent être sensibilisés aux apports effectifs que peut fournir un meilleur équilibre entre hommes et femmes au sein même des équipes de travail. Ce n’est qu’ensuite que leur part de responsabilité dans la réussite d’une politique de mixité de genre peut leur être expliquée de façon plus concrète et illustrée par les pratiques qu’ils peuvent envisager concrètement. Enfin, il est essentiel au niveau du personnel de ne pas créer un climat de concurrence et de tension entre les hommes et les femmes. À force de transmettre le message que l’entreprise cherche à promouvoir les femmes aux postes à responsabilité, les hommes peuvent se sentir exclus des prochaines promotions, être agacés par les messages internes sur ce sujet et sur la défensive vis-à-vis de leurs collègues féminines. Créer ainsi une forme de «guerre des sexes» s’avère alors bien entendu totalement improductif.

Communication

La communication interne dans l’entreprise s’avère cruciale. À la suite d’une démarche de sensibilisation par des ateliers de formation et des conférences, la communication sur l’évolution des mesures mises en place doit se poursuivre. Des flyers, articles divers sur les plateformes accessibles aux collaborateurs ou brochures distribuées par e-mail ou voie postale sont autant d’outils qui peuvent être utilisés pour illustrer et concrétiser les démarches. Si les collaborateurs n’envisagent pas les stéréotypes en tant que tels, mais les considèrent comme des normes, aucun changement ne sera possible sur le long terme.

Entretenir la flamme

L’enthousiasme sera général pendant les premiers temps. L’enjeu est de maintenir la flamme pendant les années qui vont suivre. Un bon moyen d'entretenir l’intérêt pour ces questions est d’organiser des conférences, de diffuser des témoignages et d’ouvrir un site internet ou intranet avec des mises à jour régulières. Pour durer, une politique de mixité doit faire l’objet de bilans réguliers, afin d’apporter les adaptations nécessaires. Comme les dirigeants n’aiment pas voir leurs initiatives échouer, ils hésitent souvent à mesurer leur impact. La crédibilité des enjeux est à ce prix.

Garantir le rythme

Les mesures doivent être «vivantes», évoluer au fil des ans et être toujours accessibles aux collaborateurs. Lorsqu’une entreprise décide de mettre en place par exemple une offre de formation pour ses femmes cadres mais n’en fait bénéficier qu’un nombre limité de femmes sur une période très courte, la démarche perd toute crédibilité. Les employés sont en droit de se demander si c’est en raison d’une inefficacité de la mesure ou si la prise en considération de la question d’un meilleur équilibre entre hommes et femmes au sein de l’organisation n’était pas résultat d’un phénomène de mode ou un simple concept marketing.


Résumé du film


Leonard, 46 ans, marié à une femme qui occupe un poste à responsabilités et père de famille, vient de prendre ses fonctions de direction dans une entreprise. Sournoisement, il surprend une conversation et comprend que son entreprise n’est pas aussi favorable à la promotion des femmes qu’il ne le pensait. Convaincu de la nécessité d’introduire une politique mixité à l’interne, il va réagir.

Mot clé: mixité

Vient du latin mixtus, qui signifie mélangé. La mixité est le caractère de ce qui est mixte, ce qui est composé de choses de natures différentes ou de personnes des deux sexes. Dans une entreprise promouvoir la mixité revient à promouvoir un environnement dans lequel les hommes et les femmes cohabitent et évoluent de façon harmonieuse.

Et vous?

La direction de votre entreprise a-t-elle été formée aux enjeux de la mixité?

Avez-vous les moyens d’établir un diagnostic chiffré de la mixité dans votre organisation?

Quels sont les objectifs que votre organisation s’est engagée à atteindre pour améliorer la situation des femmes?

Quels dispositifs RH pensez-vous pouvoir améliorer pour mieux répondre aux enjeux de la mixité dans votre organisation?

Quelle sera votre première action sensée améliorer la mixité dans votre organisation?

Par quels canaux allez-vous communiquer à l’ensemble du personnel sur les réalisations de votre programme de mixité?