PACTE - Père et impair



Pourquoi avoir fait ce film?

Avec ce film, mon idée est de faire prendre conscience aux managers, et ce jusqu’au plus haut niveau de l’entreprise, que les hommes sont également concernés par les devoirs liés à la parentalité. Mon idée est aussi d’inciter les hommes à oser demander à leur entreprise toutes sortes de formes d’aménagement de leur temps de travail. Et ce, afin que cela ne soit plus uniquement l’apanage de la femme. Je pense qu’il existe, chez les hommes les plus jeunes, un réel désir de s’investir également dans leur vie familiale. Quand 30% des hommes cadres travailleront à temps partiel, et que 30% des femmes arriveront à des postes de cadres, l’équité en entreprise sera devenue une réalité.

L’histoire de ce père qui ne parvient pas à quitter son entreprise pour récupérer ses enfants à la crèche, m’a été inspirée par un cas vécu. Pour une femme, il est plus facile de quitter une séance en expliquant que ses enfants l’attendent. C’est généralement admis par l’entreprise. Mais pour un homme, c’est une autre paire de manches. Le jour où la société acceptera qu’un collaborateur parte plus tôt pour accomplir son devoir de père, tout sera également plus simple pour les femmes.

Ce film s’inscrit dans le cadre de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Quand on parle d’équité, de promotion de la carrière des femmes, d’aménagement du temps de travail, forcément à un moment ou à un autre, la question du rôle des hommes doit être abordée. Car ceux-ci ont aussi à prendre leur part. Et derrière la question de l’équilibre entre vie privé et vie professionnelle, il y a la question du couple. Aujourd’hui, dans la majorité des couples, les deux travaillent. Souvent, les deux sont diplômés, donc susceptibles de faire carrière. Cette égalité a des incidences sur la vie de famille, mais aussi sur la vie au travail. Si le couple se met d’accord pour une juste répartition des tâches,il faut que l’entreprise suive et admette que les hommes aussi aient des devoirs à l’égard de leurs enfants, comme d’aller les chercher à la crèche ou à l’école

Constats

L’homme à temps partiel reste une curiosité

Le modèle classique d’organisation de la société a peu évolué. L’homme travaille à 100%. Et le temps partiel est réservé aux femmes. Aujourd’hui encore, l’homme à temps partiel reste considéré comme un farfelu. Les chiffres sont sans appel. Actuellement, plus de la moitié des femmes qui exercent une activité professionnelle ont un emploi à temps partiel, contre seulement un homme sur sept (OFES, 2010). Chez les moins de 40 ans, la tendance au temps partiel est en augmentation. Seule la nouvelle génération commence à trouver normal de favoriser un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Jusqu’à tout récemment, lorsqu’un homme qui demandait à diminuer son temps de travail, c’était pour faire de la politique, assumer des mandats externes ou écrire un livre, mais jamais pour consacrer plus de temps à sa famille.

Les hommes ne veulent plus tout sacrifier à leur carrière

On voit émerger une génération «d’hommes en changement», qui réfléchissent différemment leur carrière. Ils ont vu leur père, toujours absent, s’épuiser au travail. Ils ont vu leurs parents divorcer ou passer par des périodes de chômage. Ils savent qu’on peut se retrouver sur le carreau du jour au lendemain. Ils se demandent s’il est vraiment judicieux de tout sacrifier à leur travail. Cette nouvelle génération se pose la question des loisirs, du temps pour sa famille et du temps pour soi.

Les maladies liées au stress coûtent cher

Les maladies liées au stress et au travail connaissent une progression inquiétante. De plus en plus de cadres prennent des antidépresseurs, des somnifères, voire même de la cocaïne pour tenir le coup. Et la société s’en émeut de moins en moins. Comme si ces comportements, en se répétant, faisaient partie d’une certaine normalité. A long terme, il ne sera plus possible de continuer à exploiter l’individu de manière intensive. Aujourd’hui, on observe que la majorité de femmes ne veulent pas fonctionner comme des machines à produire, et que certains hommes non plus. Ces personnes s’inquiètent de leur équilibre de vie, de leur santé, de leur bien-être. Et l’économie serait bien inspirée de s’en préoccuper aussi, ne serait-ce que parce que les maladies liées à la surcharge de travail, coûtent cher. Entre, d’une part, des hommes qui s’épuisent au travail et, d’autre part, des femmes qui subissent un niveau de stress émotionnel élevé, partagées en leur job et leurs enfants, la société va droit au mur. Désormais, une famille a besoin de deux salaires pour vivre. Alors, comment s’organiser ? Il faut y réfléchir.

Les trentenaires recherchent l’équilibre

La génération des trentenaire, dite génération Y, a une attitude différente par rapport à leur corps, à leur travail et à leur carrière. (Les métamorphoses du masculin, Christine Castelain Meunier). Ils prennent soin d’eux, veulent créer des liens réels avec leurs enfants et maintenir une relation de couple harmonieuse. Ils savent que c’est important pour l’équilibre de tous que le père s’implique, y compris pour l’équilibre des enfants.

Les femmes ne délèguent pas

La femme a tendance à vouloir tout contrôler dans son foyer. Elle ne fait pas confiance à son compagnon. Elle l’observe, le critique, jusqu’à ce qu’il finisse par jeter l’éponge. La femme décourage son conjoint d’agir, parce qu’elle n’admet pas qu’il puisse faire différemment, mais tout aussi bien qu’elle. Elle se sent responsable du bien-être des enfants, de la marche du foyer, de tout. Et elle continue à se sentir responsable même quand elle délègue certaines tâches à son compagnon. La femme n’aime pas déléguer, ni à la maison, ni au travail. Elle a l’impression de perdre du pouvoir. La maison, c’est son domaine, et elle seule sait s’y prendre.

Les entreprises commencent à envisager le temps partiel pour les hommes

Les entreprises qui manquent de talents, qui peinent à recruter, comme les sociétés actives dans les nouvelles technologies, qui manquent cruellement d’ingénieurs, sont les premières à se poser la question du temps partiel des hommes. Ces entreprises sont des pionnières en matière de mixité. Elles doivent recruter dans le monde entier, des représentants de la génération Y, très attentifs à l’équilibre entre vie privée et professionnelle. Elles sont obligées de créer des conditions de travail flexibles, sinon elles n’engagent personne.

Causes

Le prince charmant, son rôle, son statut dans la société

L’homme reste prisonnier du schéma du prince charmant: la société attend de lui qu’il fasse des enfants, qu’il soit solide et qu’il rapporte de l’argent. Il va donc se consacrer entièrement à son travail, afin de pouvoir revendiquer un salaire élevé. Il veut également faire plaisir à son père, et que ce dernier soit fier de lui. L’homme a le complexe du prince charmant, comme la femme a le complexe de Cendrillon. Par conséquent, à chaque fois qu’il déroge aux règles régissant le comportement du prince charmant, il se sent terriblement mal à l’aise. C’est le cas de Stéphane dans le film au moment où il doit quitter la séance de travail pour aller chercher ses enfants à la crèche. Il a l’impression de ne pas être un homme véritable.

La société néglige la question de la paternalité

La société est consciente que pour une femme, devenir mère constitue une métamorphose. En revanche, elle néglige de prendre en compte cette transformation chez l’homme. Pour une femme, cette conscience de la maternalité remonte à son enfance. Elle a vu sa mère être mère. Mais le garçon, lui, n’a jamais vu son père prendre soin de ses enfants. Il ne peut pas se projeter dans sa paternalité, ni la développer de manière harmonieuse. Voilà pour l’aspect psychologique. Auquel s’ajoute la dimension sociale. L’homme ne reçoit aucun soutien de la société, de sa famille, de son entreprise, de ses amis, pour devenir un père engagé. Cela explique pourquoi un homme réfléchit à deux fois, comme Stéphane dans le film, avant de demander un temps partiel pour prendre soin de ses enfants.

L’émergence d’une nouvelle génération d’hommes

Les jeunes hommes d’aujourd’hui revendiquent leur métamorphose: leur relation avec leur parentalité, avec leur corps et leur sexualité est en train de changer fondamentalement. Ils prennent plus grand soin de leur corps, de leur apparence physique, de leurs vêtements. Ils entretiennent un meilleur rapport avec leur corps que les générations précédentes. Pour eux, il est plus normal et plus facile de prendre un enfant dans les bras que pour leur père.

Le poids culturel bloque le système

A côté des hommes en métamorphose, il existe tout une génération d’hommes réticents au changement, qui bloquent complètement le système et empêchent l’évolution de leurs pairs dans la société et dans l’entreprise. Il y a une monoculture masculine, dans la manière de faire carrière et de gravir les échelons. Cette manière reproduit le modèle de l’armée. Il faut en sortir si l’on veut installer une vraie mixité dans les entreprises. Il faut aller vers la polyculture. Le bilinguisme, dont nous avons parlé dans le chapitre «Carrière à saisir», en fait partir.

L’homme a peur de faire faux

L’homme subit le regard des autres. Il craint de faire faux et de se retrouver seul. Il craint de perdre son travail s’il demande un temps partiel. Un papa qui se promène en semaine avec ses enfants a droit à des allusions douces-amères: «Ah, tu te la coule douce… tu as perdu ton travail? Mais qu’est-ce que tu fais déjà?» Ces remarques sont très dévalorisantes. On ne lui dit jamais : «Ah, c’est génial comme tu es proche de tes enfants!» Les mentalités évoluent lentement et c’est difficile pour un père concerné de prendre ces remarques avec philosophie.

L’homme et la femme fonctionnent en miroir

Les freins ne sont pas les mêmes pour l’homme et pour la femme, mais ils fonctionnent de la même manière. Leurs peurs se manifestent en miroir: la femme craint d’être une mauvaise mère en travaillant à plein temps au lieu de s’occuper de ses enfants, et l’homme a peur d’être un mauvais homme en ne faisant pas carrière. Et tous deux, à leur manière, manquent de modèles dans les générations précédentes. J’ai remarqué que les pères au foyer qui arrêtaient de travailler pour s’occuper de leurs enfants avaient les mêmes difficultés que les femmes après quelques années à la maison, qu’ils se retrouvaient dans le même état d’esprit: ils ont perdu confiance en eux et ne savent plus comment se réinsérer. Ils possèdent les mêmes craintes que les femmes, et une situation financière similaire.

Pistes

Réfléchir à l’organisation du couple

Le rôle de la femme, c’est de se profiler en tant que partenaires de l’homme dans son désir de partager la garde des enfants. Elle doit apprendre à déléguer et accepter la manière de faire de son conjoint. Le couple doit commencer à réfléchir, dès que le désir d’enfant apparaît, à la façon dont il va s’organiser entre son travail et le soin à l’enfant, et ce afin d’aménager de manière satisfaisante le temps et les rôles de chacun.

Trouver un mentor

L’homme qui souhaite équilibrer sa vie privée et sa vie professionnelle doit commencer par sortir du carcan du prince charmant. Et s’il se sent perdu dans cette quête, il peut se chercher un modèle, un ami, un parent, un chef d’entreprise ou un collègue qui a trouvé cet équilibre, et s’en inspirer. Il peut lui poser des questions, en parler avec lui, échanger sur ses doutes et ses questionnements. Cela va le rassurer sur ses choix. Le principe du modèle, c’est: «Je l’ai fait, tu peux le faire aussi.» Mais quand on n’a pas de modèle, on est un pionnier. Et ce statut de pionnier demande du courage et de la détermination. Il n’est pas facile à assumer.

Préparer sa demande de temps partiel

Il n’existe que deux cas de figure: ou c’est l’entreprise qui propose des aménagements de temps de travail pour les pères, ou ce sont les pères qui doivent prendre les devant et demander un temps partiel. L’homme qui souhaite un meilleur équilibre, et s’investir aussi auprès de ses enfants, doit éviter de demander à sa hiérarchie un temps partiel de but en blanc. Il doit en parler d’abord, avec sa femme, avec ses collègues, avec ses amis. Ce n’est qu’ensuite, après avoir approfondi sa réflexion, qu’il peut demander un entretien à son patron et présenter sa demande comme une proposition, en montrant à ce dernier les avantages de la formule et les solutions pour la mettre en œuvre. Du reste, les femmes devraient également procéder ainsi. En proposant un véritable projet, construit, positif, le collaborateur conservera toute son aura et ses opportunités de carrière. Il montre qu’il est responsable et qu’il ne lâche pas son équipe.

Impliquer la direction au plus haut niveau

Au sein de l’entreprise, l’impulsion en faveur de l’aménagement du temps de travail des hommes et de l’équilibre entre vie privée vie professionnelle des collaborateurs doit venir du sommet de la hiérarchie. C’est ce mouvement du haut vers le bas qui va donner du sens à la démarche. Dans un deuxième temps, la direction de l’entreprise doit impliquer les responsables des équipes dans son projet. Et enfin, dans un troisième temps, elle doit communiquer à l’interne, à tous les échelons. Et ce, en donnant aux collaborateurs des exemples qui fonctionnent, en organisant des débats avec eux. Favoriser l’équilibre entre vie privée vie professionnelle doit découler d’une vraie politique d’entreprise, sincère et bien cadrée. On ne peut pas se contenter d’un vague règlement. Dans ce domaine comme ailleurs, le dilettantisme ne donne pas de résultats. - François Fatoux, Marlies Gaillard, Hélène Roques, Patrons Papas, paroles de dix dirigeants sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, le cherche-midi, Paris 2010


Résumé du film


«Père et impairs» raconte une journée dans la vie de Stéphane, cadre et père de famille. Ce jour-là, il doit amener ses filles à la crèche. Le soir, il devra les reprendre à 18 heures 30 précises. La puéricultrice compte sur lui pour être à l’heure. Mais au bureau, les choses ne se passent pas comme prévu, la séance du lendemain est avancée au jour même, à 17 heures 30. Malgré les conseils de son assistante qui lui recommande de parler franchement à son patron de ses obligations paternelles, il ne peut s’y résoudre.

Le soir, la séance s’éternise. Les participants finissent par parler de leurs vacances. Quand Stéphane essaie de partir, son patron s’impatiente. Alors Stéphane balbutie une vague excuse d’un client à rencontrer, d’une grosse affaire à venir, jusqu’à ce que le biberon de sa fille cadette tombe de sa poche… et s’en va rouler vers son patron.

Mot clé: Équilibre

Elle était funambule et sa vie tenait en une seule ligne. Droite - Maxence Fermine, Neige -

Et vous?

« L’équilibre est état d'esprit où aucune passion, aucun préjugé ne prédomine ». Que pensez-vous de cette définition ?

Quel équilibre de vie souhaitez-vous atteindre?

Quelles sont vos autres sphères d’activités en dehors du travail ? Quel bilan en faites-vous ?

Comment votre conjoint / conjointe s’implique-t-il/elle dans votre vie familiale et sociale? Et votre entourage ?

Que pouvez-vous faire ici et maintenant pour atteindre l’équilibre souhaité ?